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Pas de numerus clausus pour les ostéopathes en France

18 mai 2011

A travers ce nouvel article, je tiens à vous expliquer une situation inquiétante concernant les ostéopathes en France.

Qu’est-ce qu’un numerus clausus ?

Un numerus clausus (« nombre fermé » en latin) n’est ni plus ni moins qu’un nombre fixe d’étudiants pouvant intégrer un cursus chaque année. Ce nombre imposé par la loi est destiné aux professions médicales comme les médecins par exemple. Il permet ainsi d’éviter un trop grand nombre de professionnels sortants tous les ans. Cela évite principalement d’entrer au bout de quelques années dans une situation de saturation.

La situation des ostéopathes en France

L’ostéopathie n’étant reconnue par le Ministère de la Santé que depuis 2007, la question d’un numerus clausus en France n’a pas encore été soulevée. Les écoles d’ostéopathie privées n’ont pas encore dans l’optique d’instaurer un tel nombre fixe de nouveaux étudiants par an. En effet, cela ferait chuter leur chiffre d’affaires. Malheureusement, si rien n’est établi d’ici peu de temps, le capitalisme français prônant le gain d’argent engendrera une chute du système : les ostéopathes seront de plus en plus nombreux et trop d’ostéopathes tuera l’ostéopathie.

On pourrait donc penser qu’il faudrait définir un nombre d’ostéopathes fixe par rapport au nombre d’habitants en France. Plus précisément, il serait même raisonnable de calculer ce ratio par rapport aux villes et non par rapport à la France. Si tous les ostéopathes sont à Paris, cela engendre une saturation dans la capitale et l’accès est très restreint pour les habitants des autres villes lointaines. Finalement, on s’aperçoit que le système de répartition des médecins en France s’appliquerait correctement aux ostéopathes.

Il est nécessaire de donner des chiffres pour expliquer plus en détails ces dires. En 2011 en France, on ne connait pas le nombre exact mais les ostéopathes seraient près de 10000 (incluant les ostéopathes exclusifs, les kiné-ostéopathes et les médecins ostéopathes). Sachant que la population française avoisine les 65800000 habitants, cela implique qu’il existerait un ostéopathe pour 6580 français. A première vue, ce chiffre ne parait pas alarmant car on imagine que les ostéopathes peuvent encore bien gagner leur vie. Cependant, on ne pense pas forcément que la répartition des ostéopathes en France n’est pas uniforme. La plupart des ostéopathes sont situés dans les grandes villes comme Paris, Lyon, Bordeaux… Si vous habitez dans une petite ville ou un village, vous aurez peut être la chance d’avoir un cabinet d’ostéopathie près de chez vous mais ce n’est pas assuré. En réfléchissant un peu, on comprend facilement les ostéopathes qui souhaitent mettre un maximum de chance de leur côté en implantant leur cabinet là où sont les potentiels patients.

Une question intéressante à étudier est celle-ci : sur 6580 français, combien vont chez l’ostéopathe régulièrement, de temps en temps ou une fois par an ? Les chiffres qui vont suivre ne sont pas forcément très exacts, ils viennent de mon ressenti par rapport à la situation actuelle. Par exemple, si l’on admet que seulement 5% de ces 6580 français consultent un ostéopathe deux fois par an (deux fois : moyenne entre les patients réguliers qui consultent plusieurs fois dans l’année et les patients qui consultent une fois par an), on obtient : 2 x 6580 x 5% = 2 x 329 = 658 consultations par an pour un ostéopathe. Si l’on ramène ce nombre par mois, on obtient 55 consultations par mois par ostéopathe (nombre arrondi). Sachant qu’un ostéopathe facture en moyenne 50 euros la séance, il obtiendrait un chiffre d’affaires de 2750 euros par mois. Cependant, n’oublions pas que les ostéopathes ont des charges à payer (loyer du cabinet, électricité, matériel de consultation…) qui s’élèvent en moyenne à 1250 euros par mois, ils obtiendraient donc un salaire net de 1500 euros par mois (sans compter les impôts sur le revenu). Cela reste dérisoire après avoir étudié 5 ou 6 années (moyenne pour les ostéopathes exclusifs et les kiné-ostéopathes, je ne parle pas des médecins ostéopathes). A noter que ce calcul ne prend pas en compte la répartition des ostéopathes en France.

Certaines sources sur Internet diront qu’il faut un peu moins de 4000 habitants pour faire vivre décemment un ostéopathe en France. Ces personnes partent du principe qu’il existerait plus de 5% des 6580 français qui se déplaceraient pour des séances d’ostéopathie.

Vous l’avez compris, la situation des ostéopathes en France va vite devenir critique.

Bientôt trop de cabinets d’ostéopathie en France

Si l’on se projette un temps soit peu dans l’avenir, on se rend compte que les cabinets d’ostéopathie seront vite en surnombre, surtout dans les grandes villes. Cela signifie que les nouveaux ostéopathes (les débutants sortants d’une école) qui s’installent dans les grandes villes aujourd’hui auront peu de chances de percer. Les ostéopathes d’expérience disposent déjà d’une patientèle large contrairement à eux et les français ont tendance à se tourner vers les ostéopathes d’expérience. Certains étudiants finissant leurs études ont compris qu’ils feraient peu de profit dans une grande ville. Ils décident donc de se rabattre sur de plus petites villes où un nombre restreint d’ostéopathes existe. Certains décident même d’aller exercer leur profession dans leur village natale (pour ceux qui sont nés dans un petit village), ce qui n’est pas une mauvaise idée pour la rentabilité du cabinet. Ils auront peu de patients mais également peu de concurrence voire une concurrence inexistante. Mais où vont s’installer les ostéopathes nouvellement diplômés lorsque la Creuse sera saturée ? A l’étranger ?

Prenons l’exemple de Paris. Il existerait dans la capitale à peu près 1200 ostéopathes (tous confondus) aujourd’hui. Si l’on décide de faire une petite division, on obtient 60 ostéopathes en moyenne par arrondissement. Sachant que certains arrondissements sont plus petits que d’autres, on pourrait annoncer à la louche déjà près de 70 ostéopathes installés dans le 15ème (plus grand arrondissement de Paris). On se trouve donc déjà dans une situation de saturation.

Le gouvernement doit réagir

Si le gouvernement ne réagit pas, le marché des ostéopathes saturera rapidement partout en France. Cela engendrera de réels soucis d’installation pour les jeunes ostéopathes car les places seront déjà prises. Ils se verront dans l’obligation d’installer leur cabinet près d’un autre, ce qui est risqué pour obtenir une rentabilité correcte. tout ceci favorisera donc les cabinets d’ostéopathie implantés depuis des années car ils seront les seuls à pouvoir résister à la réduction de patients (plus il y a de cabinets, moins il y a de patients par cabinet). Ce sera forcément plus simple pour ces derniers qui auront déjà fidélisé un certain nombre de patients.

De plus, plus les ostéopathes seront nombreux, plus le bouche à oreille aura du mal à se mettre en place rapidement. Pourtant, c’est le seul moyen fiable pour les ostéopathes d’obtenir une patientèle durable.

Quand les étudiants seront conscients de ce qui se passe actuellement, ils ne se dirigeront plus vers des études d’ostéopathie. Les écoles d’ostéopathie n’auront donc plus d’autre choix que de pousser le gouvernement pour instaurer un numerus clausus mais il sera sûrement déjà trop tard. Par la suite, les écoles auront des soucis financiers, certaines fermeront pour cause économique. Aujourd’hui, sous prétexte du vouloir faire de l’argent, les écoles d’ostéopathie privées sont en train de s’enterrer.

Solution

Il faut donc que le gouvernement règlemente l’ostéopathie et oblige les écoles d’ostéopathie à instaurer un numerus clausus dès maintenant. Dans l’idéal, une fois avoir déterminé le nombre d’ostéopathes maximum pouvant exercer en France, il faudrait que le nombre d’ostéopathes sortant d’écoles et le nombre d’ostéopathes partant à la retraite soit équivalent. Ensuite, la répartition des ostéopathes se fera d’elle même. Il faudra que les jeunes ostéopathes réfléchissent avant d’installer leur cabinet pour ne pas s’installer trop près d’un éventuel concurrent.



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  1. Maud

    22/05/2011 à 10h03

    Je partage entièrement votre point de vue. Un encadrement accru de la profession d’ostéopathe est un objectif louable. Une meilleure maitrise permettra de faire évoluer les mentalités des gens qui pensent encore que les ostéopathes sont des charlatans. Cela parait abérrant aujourd’hui, surtout quand on voit ce dont est capable cette pratique fantastique.

     
  2. Bibi

    22/05/2011 à 12h46

    Bravo pour cet article très complet.
    Le problème aussi vient du fait que les écoles d’ostéopathie sont trop nombreuses, il en existerait déjà plus de 45, c’est énorme pour une profession médicale. Pour faire leur business, elles forment trop de diplômés et ça engendrera de gros problèmes d’ici peu de temps. Le problème profond vient que l’on vit en France et qu’en France, le business passe avant le reste, c’est à dire que rien ne sera mis en vigueur tant que la situation soit vraiment critique (désolé si c’est un petit peu fataliste).

     
  3. Julien Stica

    22/05/2011 à 13h05

    Bonjour à tous,
    il faut également rajouter une dernière chose à cet article avant qu’il soit parfait ;-). L’ostéopathie fait parti actuellement d’un phénomène de mode. Les gens consultent un ostéopathe car ils en parlent autour d’eux (au travail, entre amis…) mais lorsque la mode sera passée, les ostéopathes bénéficieront de moins de patients alors si en plus le nombre d’ostéopathes augmente, cela ne présage rien de bon.
    Amicalement,

     
  4. Blog Ostéo

    22/05/2011 à 18h21

    Bonsoir,

    Je vois que vous partagez tous les trois le même avis.

    @Julien : merci pour tes encouragements :-).
    @Bibi : merci pour cette nouvelle ouverture d’esprit. C’est vrai qu’en France, le profit prime. C’est malheureux mais c’est comme ça.

     
  5. K. Joye

    22/05/2011 à 23h12

    Il y a peu de temps, je suis tombé sur un site qui disait que les ostéopathes sont 12600 depuis début 2010 et que cela pourrait augmenter d’un coup dans les années qui viennent.

     
    • Blog Ostéo

      23/05/2011 à 11h05

      Merci K. Joye pour ce chiffre, j’ai eu beaucoup de mal à en trouver un sur internet. 12600, c’est encore plus que ce que j’indique, rien de bon à l’horizon. Je crois qu’il va falloir espérer que le nombre de patients augmente autant que le nombre d’ostéopathes et donc que le ratio patients/ostéopathe (= 6580) reste plus ou moins constant…

       
  6. Bibi

    24/05/2011 à 10h57

    K. Joye, es-tu sûr que ce chiffre est exact ou l’as-tu juste lu sur un site quelconque ?

     
  7. K.Joye

    26/05/2011 à 12h29

    @bibi : non, je n’ai aucune certitude.

     
    • vincent

      30/08/2011 à 00h19

      J’ai commencé l’ostéopathie en 2000. De main à main auprès de mon mentor, j’ai appris, puis me suis formé en 5 ans en école agréée. En tout, 10 ans à apprendre et autant à me former. Je ne pense pas qu’il y ait autant d’ostéopathes qu’on le dit. Même diplômés, beaucoup n’auront ni la main ni le cœur pour être ostéopathe. Je ne m’inquiète donc pas pour moi. Je suis attristé que l’on ait autant menti sur la profession, et qu’autant de gamin(s,es) se soient fourvoyés dans une voie sans issue. 75 à 80 % de gens qui se forment à ce métier ne me semble avoir ni la vocation ni même la volonté de travailler dur pour exercer un métier certes passionnant.
      Réfléchir sur une éventuelle rentabilité, investissement etc est pour ma part une preuve du manque de vocation. Seuls ceux qui auront la vocation, et donc réussiront leurs missions de soins mangeront. On ne choisit pas ce métier en faisant de savants calculs financiers.

       
      • Blog Ostéo

        30/08/2011 à 10h09

        Bonjour Vincent,

        Merci pour ton retour d’expérience qui reste intéressant.